Connaissance de soi-même
A l’horizon, le ciel bleu se déclinait
sur une chape de verdure. Le regard de Lahkim, lointain et évasif, semblait
parcourir le monde infini. Sa pensée perçait les verrous du mystère humain et
ne butait sur aucune question, franchissant, avec l’aisance d’un maître,
différents domaines, de la philosophie à la psychologie de l’homme. A
l’enchantement du groupe qui fixait sur lui des yeux hagards de savoir, le
doute n’était plus qu’un mince fil facilement rompu par les mots justes du
sage.
- Quelle connaissance doit
acquérir un homme pour se frayer un chemin vers la vérité ? s’écria Said.
- La connaissance de
soi-même.
La réponse
de Lahkim surprit les invités pour qui la connaissance de soi devait
probablement tenir le dernier rang de toutes les connaissances dans ce bas
monde.
- La connaissance de
soi-même est un chantier constamment ouvert, renchérit Lahkim.
Un
vent de hasard amena, un jour, un œuf d’aigle dans une basse-cour, parmi des
œufs de poulet. Les œufs éclosent et les poussins de poule sortent en même
temps que le bébé aigle. Petit à petit, ce dernier apprend, comme les poussins,
à picorer du grain et à se promener dans la basse-cour. Un jour un aigle le
regarde et fut saisi par l’envie de remuer les ailes. Il dit aux bébés poulets
: « Comme j’aimerais pouvoir voler comme cela ! » Mais ceux-ci lui répondent :
« Ce n’est pas possible ! Il faut être un aigle pour cela ! »
L’injonction
du grand philosophe grec Socrate, « Connais-toi toi-même », est incontestable
et reste valable à tout temps puisqu’une bonne connaissance de soi-même, comme
le fond d’une toile, renforce et crédibilise l’image et nous aide à développer
la congruence qui donne foi à notre parole et consistance à notre être. Et
quand nous connaissons nos propres qualités et défauts, nous pouvons cultiver
les uns et perfectionner les autres, et construire ainsi sur des bases solides
les dalles de notre performance individuelle. Nous avons, au fond de nous,
beaucoup de ressources que nous n’exploitons point car nous en ignorons
l’existence. Nous les cherchons ailleurs et tergiversons dans tous les sens.
Nous ourdissons et tournons en rond, comme des araignées, pour tisser notre
toile autour de puériles illusions. Nous nous éloignons de ces raccourcis qui
nous mènent vers nous-mêmes pour nous hasarder dans des contrées lointaines et
explorer les cocotiers exotiques d’une île, les sables dorés d’une plage, les
tours éblouissants d’une ville, les hauteurs vertigineuses d’une montagne. Il
ne peut connaître le monde celui qui ne se connaît pas. Le vrai voyage est
celui qui commence par l’exploration des plis et replis de son propre être.
- Mais les tréfonds de
l’être humain ne sont pas aussi mystérieux que ça. Qu’est-ce qu’ils pourraient
cacher qui échappe à notre connaissance ? contesta Sami.
- - Les vagues fluent et
refluent et les eaux de l’océan se renouvellent tout le temps. Ainsi est notre
nature humaine, pleine de mystères qu’une vie ne suffit pas pour explorer.
Combien de fois plonge un pêcheur dans le même océan avant de retrouver la
perle tant convoitée ?
Partons
à l’exploration de notre psychologie et soumettons notre âme à une chirurgie
esthétique. Amusante serait cette chasse au trésor qui nous offrira une belle
promenade dans les sentiers inconnus que nous croyons pourtant bien connaître.
Il
fut un temps où tous les hommes régnaient sur terre en jouissant d’un pouvoir
divin. Mais ils abusèrent tellement de ce pouvoir qu’il leur a été ôté par Dieu
qui le cacha quelque part.
Depuis
ce temps, l’homme n’a jamais arrêté de chercher ce pouvoir. Il a sillonné le
monde entier, escaladé les montagnes, exploré la terre, plongé dans l’océan
sans jamais le retrouver. Ce pouvoir est caché dans une place que l’homme ne
soupçonnerait jamais.
Lahkim marqua une pause. Tous les
yeux convergeaient vers la même direction. Il les tenait à bout de souffle.
Sans trop faire durer le suspense, Lahkim continua :
- Ce pouvoir est caché au
fond de l’homme.
- Si l’homme détenait ce
pouvoir, qu’adviendrait-il de cette terre ? demanda Said après un moment de
méditation.
- Même ceux qui croient
détenir un pouvoir ne dépassent jamais une certaine limite, répondit Lahkim.
Personne n’a de pouvoir absolu et chacun a un pouvoir relatif. C’est comme une
belle pièce en verre, brisée en mille morceaux et chaque personne en détient
un. C’est un peu comme la vérité. ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
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